Alors que la guerre à Gaza a franchi depuis longtemps le seuil de la catastrophe humanitaire, Emmanuel Macron s’est rendu ce mardi au Caire pour rencontrer son homologue égyptien Abdel Fattah al-Sissi. Cette visite, hautement symbolique, vise à réaffirmer l’engagement de la France dans la région. Mais elle soulève aussi une question lancinante : celle du silence prolongé de Paris depuis le début du conflit.
Un déplacement diplomatique à retardement
Plus d’un an et demi après le déclenchement de l’offensive israélienne sur Gaza, la visite d’Emmanuel Macron en Égypte intervient à un moment critique. Les Nations unies alertent sur un risque imminent de famine, plus de 50 000 morts et 114 000 blessés sont recensés, et les espoirs d’un cessez-le-feu durable s’amenuisent jour après jour, surtout après la rupture unilatérale de la trêve par l’armée sioniste.
Dans ce contexte, la démarche française apparaît pour certains observateurs comme une tentative tardive de regagner une crédibilité diplomatique perdue. Dès les premières semaines de la guerre, la position de la France – jugée floue, voire complaisante envers Israël – avait suscité des critiques, tant au niveau international qu’au sein même de la société civile française.
« Le silence de Paris, puis ses déclarations déséquilibrées au profit d’Israël, ont laissé un vide diplomatique que d’autres puissances régionales ont tenté de combler », estime un analyste basé au Caire. La France, qui se veut pourtant porteuse d’un multilatéralisme humaniste, a été perçue comme absente ou prudente jusqu’à ce que la gravité de la situation ne devienne indéniable.
Gaza au cœur des échanges avec al-Sissi
Reçu par le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, Emmanuel Macron a déclaré vouloir « œuvrer à une désescalade immédiate et à la mise en place d’une aide humanitaire massive ». Il a également insisté sur la nécessité d’un cessez-le-feu et d’une solution politique basée sur la création d’un État palestinien.
Le président français a salué le rôle de l’Égypte, particulièrement dans la gestion du point de passage de Rafah, seul lien entre Gaza et le monde extérieur. Il a appelé à une meilleure coordination des efforts humanitaires, tout en évoquant « l’impératif moral d’agir maintenant ».
L’ombre de l’inaction plane sur la diplomatie française
Mais au-delà des discours, cette visite ne suffit pas à faire oublier l’inaction relative de la France au début du conflit. Tandis que d’autres pays européens – comme l’Espagne ou l’Irlande – ont haussé le ton plus tôt contre les bombardements indiscriminés sur Gaza, la France est restée en retrait, soucieuse de ménager ses relations avec Israël et les États-Unis.
Cet attentisme a été vivement dénoncé par plusieurs ONG françaises et internationales. Il a également contribué à affaiblir la position de la France auprès de ses partenaires arabes, traditionnellement sensibles à la question palestinienne.
Un retour sur la scène, mais dans quel rôle ?
Avec cette visite au Caire, Emmanuel Macron semble vouloir relancer une présence diplomatique française plus active au Moyen-Orient. Il cherche à réinscrire la France dans le jeu des médiations, tout en insistant sur la nécessité d’une réponse européenne commune face à l’impasse politique actuelle.
Mais la crédibilité d’un tel engagement reste à construire. Les appels à une solution à deux États, souvent répétés par Paris, peinent à convaincre tant qu’ils ne s’accompagnent pas de mesures concrètes : pressions sur Israël, reconnaissance de l’État de Palestine, ou initiative diplomatique de grande ampleur.
Un signal, mais pas encore un tournant
En se rendant au Caire, Emmanuel Macron envoie un signal. Mais dans les capitales arabes comme dans les ruines qu’est devenue Gaza, nombreux sont ceux qui attendent davantage que des mots. Ils attendent des actes clairs, fermes, mais surtout, cohérents.
La diplomatie française, forte de son histoire au Moyen-Orient, peut encore jouer un rôle. Mais pour cela, elle devra d’abord faire face à ses propres contradictions, et assumer le retard avec lequel elle revient sur le devant de la scène.