Des mesures doivent être prises pour freiner l’essor des crypto-monnaies dans les pays en développement, a affirmé l’organe des Nations Unies chargé du commerce et du développement, la CNUCED, dans trois notes d’orientation publiées ce mercredi.
Bien que les monnaies numériques privées aient enrichi certains individus et institutions, elles constituent un actif financier instable pouvant entraîner « des risques et des coûts sociaux », a averti l’agence.
Selon la CNUCED, leurs avantages des crypto-monnaies sont pour certains éclipsés par les menaces qu’elles font peser sur la stabilité financière, la mobilisation des ressources intérieures et la sécurité des systèmes monétaires.
Essor des crypto-monnaies
Les crypto-monnaies sont une forme alternative de paiement. Les transactions se font numériquement par le biais d’une technologie cryptée, connue sous le nom de blockchain.
L’utilisation des crypto-monnaies a augmenté à l’échelle mondiale à un rythme sans précédent pendant la pandémie de COVID-19, renforçant une tendance déjà en marche. Il en existe actuellement quelque 19 000.
En 2021, parmi les 20 premiers pays avec la part de la population la plus élevée possédant des crypto-monnaies, 15 étaient des pays en développement.
L’Ukraine était en tête de liste avec 12,7 %, suivie de la Russie et du Venezuela – respectivement 11,9 % et 10,3 %.
Tout ce qui brille n’est pas or
La première note, intitulée « Tout ce qui brille n’est pas or. Ne pas réguler les crypto-monnaies coûte très cher » – examine les raisons de l’adoption rapide des crypto-monnaies dans les pays en développement, notamment la facilitation des transferts de fonds et la protection contre l’inflation des monnaies fiduciaires.
Or « les récents chocs subis par les devises numériques sur les marchés suggèrent qu’il est risqué de détenir des crypto-monnaies. Si une banque centrale intervient pour protéger leur stabilité financière, le problème devient alors public », a déclaré la CNUCED.
En outre, si les crypto-monnaies continuent à se développer comme moyen de paiement, voire à remplacer officieusement les monnaies nationales, c’est la « souveraineté monétaire » des pays qui pourrait être mise en péril.
Concernant les pays en développement en manque de devises de réserve, la CNUCED a également souligné le risque particulier que représentaient les « stablecoins », ou cryptomonnaies stables en français.
Un stablecoin est une cryptomonnaie dont le prix est arrimé à une autre cryptomonnaie, à une monnaie fiduciaire ou à un produit négocié en bourse (comme les métaux précieux ou les métaux industriels). Comme leur nom l’indique, les monnaies stables sont conçues pour maintenir une valeur stable.
« Pour certaines de ces raisons, le Fonds monétaire international (FMI) a exprimé l’opinion que les crypto-monnaies présentent des risques en tant que monnaie légale », a déclaré l’agence.
La deuxième note de la CNUCED se concentre sur l’impact des crypto-monnaies sur la stabilité et la sécurité des systèmes monétaires, et pour la stabilité de l’architecture financière en général.
« Un système de paiement numérique national de service public devrait répondre à au moins certaines des raisons de l’utilisation des crypto-monnaies et limiter l’expansion des crypto-monnaies dans les pays en développement », a déclaré la CNUCED.
Par exemple, les autorités monétaires pourraient lancer une monnaie numérique via une banque centrale ou un système de paiement rapide pour les petits achats, bien que les mesures dépendent des capacités et des besoins nationaux.
La CNUCED a toutefois exhorté les gouvernements à « maintenir l’émission et la distribution d’espèces », compte tenu du risque d’aggravation de la fracture numérique dans les pays développés.
Craintes d’évasion fiscale
La dernière note d’orientation examine comment les crypto-monnaies sont devenues un nouveau canal pour saper la mobilisation des ressources nationales dans les pays en développement, et met en garde contre les dangers de faire « trop peu, trop tard ».
En effet, si les crypto-monnaies peuvent faciliter les envois de fonds, la CNUCED a averti qu’elles pouvaient aussi permettre des fraudes et encourager l’évasion fiscale par le biais de flux financiers illicites – à l’instar d’un paradis fiscal, où il est difficile d’identifier qui possède quoi.
« Ainsi, les crypto-monnaies peuvent également freiner l’efficacité des contrôles de capitaux, un instrument clé des pays en développement pour préserver leur marge de manœuvre et leur stabilité macroéconomique », a ajouté l’agence.
Freiner les cryptos
La CNUCED a présenté plusieurs actions pour stopper l’expansion des crypto-monnaies dans les pays en développement.
L’agence a exhorté les autorités à réglementer les échanges de crypto-monnaies, les portefeuilles numériques et la finance décentralisée.
Les institutions financières réglementées devraient être défendues de détenir des crypto-monnaies, y compris des stablecoins, ou de proposer des produits connexes à leurs clients.
La publicité liée aux crypto-monnaies devrait également être réglementée, comme c’est le cas pour les autres actifs financiers à haut risque, selon la CNUCED, qui conseille aux gouvernements de mettre en place un système de paiement public « sûr, fiable, abordable et adapté à l’ère numérique ».
La CNUCED préconise également une coordination fiscale mondiale concernant le traitement fiscal des crypto-monnaies, la réglementation et le partage des informations.
En outre, les contrôles des capitaux devraient être repensés pour tenir compte de ce que l’agence décrit comme « le caractère décentralisé, sans frontières des crypto-monnaies » et le recours au pseudonyme de ses utilisateurs.