Au cours de sa séance bimestrielle sur la Libye, ce matin, les membres du Conseil de sécurité entendent deux exposés : celui du Chef de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL), M. Abdoulaye Bathily, faisant le point de la situation sur les plans politique, sécuritaire et humanitaire; et celui du Président du Comité des sanctions 1970, le Représentant permanent du Japon auprès des Nations Unies, M. Yamazaki Kazuyuki.
LA SITUATION EN LIBYE
Déclarations
S’exprimant en sa qualité de Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1970 (2011), le représentant du Japon a fait rapport au Conseil des activités du Comité pendant la période allant du 19 décembre 2023 au 15 février 2024. Il a indiqué que, lors de ses consultations informelles tenues le 2 février, le Comité a entendu un exposé du Groupe d’experts sur son plan de travail et ses priorités pour le mandat au titre de la résolution 2701 (2023) et sur sa prochaine visite prévue en Libye. Le Comité a également reçu une lettre de la Libye contenant des réponses au rapport final du Groupe au titre du mandat précédent, qu’il examinera une fois que la traduction pertinente sera disponible.
En ce qui concerne le gel des avoirs, le Président du Comité a indiqué qu’aucune décision négative n’a été prise à la suite des notifications présentées par Bahreïn, la Suisse et le Royaume-Uni. Le Comité a par ailleurs approuvé une demande de dérogation présentée par le Luxembourg et a répondu à une notification présentée par Bahreïn. Le Président a ajouté que le Comité a reçu deux lettres de la Libye concernant certains aspects du gel des avoirs, dont l’une contenait le plan d’investissement à court terme de l’Autorité libyenne des investissements, en réponse au paragraphe 15 de la résolution 2701 (2023). Les membres du Comité examineront les réponses aux deux lettres, a-t-il dit, avant d’évoquer les mesures d’interdiction de voyage. Il a signalé que, le 31 janvier, le Comité a fait droit à la demande d’une personne inscrite sur la Liste, Mme Safia Farkash Al-Barassi, reçue par l’intermédiaire du Point focal pour la radiation créé par la résolution 1730 (2006), et a décidé que Mme Al-Barassi n’était plus soumise à l’interdiction de voyager imposée en vertu du paragraphe 15 de la résolution 1970 (2011). Elle reste toutefois soumise à la mesure de gel des avoirs, a-t-il précisé, notant que la liste des sanctions contre la Libye a été modifiée en conséquence.
La représentante du Royaume-Uni a apprécié que le Représentant spécial ait convoqué les principaux acteurs libyens à une réunion préparatoire pour sortir de l’impasse politique et organiser des élections. L’aboutissement de ce processus repose sur un engagement constructif et un véritable compromis de la part des parties libyennes, a-t-elle estimé. Notant que certains acteurs avaient refusé de nommer leurs représentants, la déléguée a appelé les parties à participer au processus sans conditions préalables pour résoudre les questions en suspens qui retardent les élections. « Le peuple libyen souffre de cette impasse politique. » Près de six mois se sont écoulés depuis les inondations dévastatrices à Derna et la reconstruction est entravée par l’absence d’une approche unifiée et transparente, a encore regretté la déléguée en avertissant que les soins de santé et les services de base font défaut. « L’impasse politique accentue les difficultés rencontrées par la société civile dans toute la Libye. »
La représentante s’est dite préoccupée par le rétrécissement de l’espace civique, l’augmentation des violations des droits humains en particulier à l’égard des migrants et des réfugiés, ainsi que les restrictions croissantes à l’encontre des femmes. De même, la représentante s’est inquiétée des informations selon lesquelles 11 bureaux provinciaux de la Haute Commission électorale nationale ont été contraints de suspendre les opérations dans le sud et l’est de la Libye au début du mois de février. Elle a demandé aux responsables libyens d’apporter un soutien nécessaire pour faciliter les élections municipales, ce qui permettrait au peuple libyen d’exercer ses droits démocratiques. Elle a conclu en exhortant les dirigeants libyens à s’engager de manière constructive avec le Représentant spécial pour qu’il s’acquitte de ses responsabilités envers le peuple libyen.
Le représentant de la Slovénie a tout d’abord regretté que deux ans se soient écoulés depuis le report des élections en Libye. Saluant néanmoins les conclusions de la MANUL selon lesquelles les lois électorales actualisées l’an dernier fournissent une base de travail pour organiser des élections, il a déploré l’absence de garantie pour une plus grande représentation des femmes, comme prévu initialement. Dans ce contexte, il s’est alarmé de la détérioration de la situation sécuritaire, appelant les acteurs politiques libyens à donner la priorité aux aspirations du peuple et à participer de bonne foi aux efforts du Représentant spécial. Le représentant a également estimé que le processus politique doit aller de pair avec des efforts de réconciliation nationale, avant de se féliciter qu’une conférence sur ce thème soit programmée en avril à Syrte.
Enfin, après avoir exprimé sa solidarité à tous les Libyens frappés par les inondations tragiques de septembre dernier, il s’est dit préoccupé par la situation des droits humains dans le pays, en particulier en cette phase préélectorale. Les attaques contre les défenseurs des droits humains, les militants des droits des femmes, les manifestants, les journalistes et les groupes de la société civile sont contraires aux efforts visant à créer un environnement propice à des élections libres et équitables, a-t-il affirmé. Il a salué les engagements pris, lors d’une table ronde la semaine dernière, par les autorités libyennes, les représentants de la société civile et le Rapporteur spécial sur la liberté de réunion et d’association.
Le représentant de la Fédération de Russie a reconnu que les perspectives de parvenir à un règlement durable de la crise libyenne ne sont malheureusement pas encore visibles. « Il est évident que nous ne pouvons, à terme, nous passer d’un Gouvernement véritablement inclusif, réunissant les représentants de toutes les régions de l’ex-Jamahiriya. Le statu quo dure depuis trop longtemps. Les Libyens doivent avoir foi dans l’inviolabilité de leurs institutions étatiques », a déclaré le représentant. Pour sa délégation, la seule issue à cette situation est d’organiser des élections nationales et, sur la base de leurs résultats, de créer des organes gouvernementaux unifiés et inclusifs.
Bien que l’an dernier, les membres de la Chambre des députés et du Haut Conseil d’État se soient mis d’accord sur des projets de loi sur les élections présidentielle et parlementaires, et que le 2 octobre, cette même Chambre des députés ait approuvé à l’unanimité ces projets de loi avec quelques amendements, la situation électorale n’a pas encore fait l’objet de développements supplémentaires, a noté le représentant. Il a cependant observé qu’ignorer complètement ces évolutions serait contreproductif pour le processus politique libyen. Aussi la Fédération de Russie espère-t-elle que, dans un avenir proche, les parties parviendront aux accords nécessaires, avec le soutien des médiateurs internationaux.
À cet égard, le représentant a dit suivre de près les travaux du Représentant spécial du Secrétaire général, M. Bathily, pour promouvoir le processus politique libyen dans son ensemble: « Nous soulignons notre soutien de principe à vos efforts, Monsieur Bathily, pour trouver des moyens acceptables de sortir de l’impasse politique interne et donner une impulsion au dialogue politique ». Le délégué a recommandé d’agir sans précipitation et d’éviter toute intrusion, arguant que les tentatives visant à imposer tel ou tel programme aux « poids lourds » libyens n’aboutissent pas au résultat escompté.
Sur la question de l’élimination de la présence militaire étrangère en Libye, le représentant a préconisé un retrait synchronisé, équilibré et progressif de tous les groupes armés et unités militaires non libyens, « sans exception ». Il a ensuite exhorté le Conseil de sécurité à aborder les mesures de sanctions avec prudence, rappelant que la plupart avaient été adoptées pour protéger les Libyens de la violence, de la criminalité et des attaques contre les fonds nationaux, « et non à titre de punition ». Elles ont dans l’intervalle largement perdu de leur pertinence et ne contribuent pas au processus de réunification, surtout si l’on tient compte de la dynamique croissante du processus de réconciliation nationale, a-t-il estimé en jugeant opportun maintenant de les reconsidérer.